Argument

MIRCEA MARTIN

Ce volume rassemble une partie de communications présentées à la Conférence Internationale organisée par le Centre Interdisciplinaire d’Etudes Culturelles Européennes et Roumaines «Tudor Vianu» de l’Université de Bucarest, en 2007 (30 novembre–1er décembre).

Dans mon allocution introductive, j’ai posé alors un nombre de questions que je maintiens encore, même si elles ont trouvé – au moins, partiellement – des réponses dans les pages qui suivent.

Pourquoi la présence dans un monde qui semble avoir perdu la foi en Dieu, seul vrai sujet, plénier, fort et, en même temps, inaccessible et incompréhensible?

Les métaphysiques de la présence pleine qui postulent un principe, une origine et un fondement de toutes choses nous parlent-elles encore?

Le déconstructivisme a nié l’existence de tout signifié transcendantal, il a dénié la stabilité au signe et l’existence au sens, il a qualifié de pure illusion logocentrique la coïncidence entre le signe et le sens.

La présence, au sens fort, religieux et métaphysique, semble en voie de déperdition, d’effacement, d’extinction. Ce processus d’évanouissement progressif va de pair avec le progrès technique et technologique. D’autre part, la foi dans la présence efficiente de Dieu n’est pas complètement perdue dans le monde d’aujourd’hui. Des voix continuent à invoquer Dieu non seulement à Rome ou à la Mecque, non seulement au Proche Orient mais également à Washington DC.

L’idée de présence ne débouche pas uniquement sur un débat livresque. Même si nous distinguons entre contemporanéité et actualité, même si certains d’entre nous pensons que tout ce qui est contemporain n’est pas nécessairement actuel, la présence reste un problème du présent, du maintenant. Entre les fondamentalismes qui conduisent parfois au crime et les relativismes qui tombent souvent dans l’obscénité, la plage est assez large pour accueillir opinions diverses voire contradictoires.

Pourrions-nous parler de la présence en l’absence du sens lui-même, de l’effort de le stabiliser et de le protéger des contradictions, des malentendus et des fausses lectures? Y a-t-il une présence sans une conscience présentificatrice?

Parler d’une conscience présentificatrice serait-ce supposer que la présence en soit nécessairement une intelligible? Question rhétorique car il y a, bien sûr, une présence sensible aussi, celle que nous rencontrons dans la littérature et dans les arts et à laquelle se réfèrent, entre autres, les critiques de la conscience.

D’autres questions peuvent se poser concernant la voie négative de cibler la présence ou bien celle soi-disant positive, de l’extase, de l’illumination.

La présence dans la littérature se réduit-elle aux effets illustratifs des mots ou bien est-ce le charme qui mène le jeu, un charme même sécularisé?